dimanche, juillet 7, 2024

No Rest For The Wicked – Aperçu

Version accès anticipé utilisée


La formule des Souls ne m’a jamais conquis mais m’a toujours fasciné. Elle incarne la démesure de l’univers qui s’étend à l’horizon où tout promet d’être visitable, la noblesse de l’art du duel dans lequel la grandeur de vos ennemis définit la vôtre, l’épaisseur insondable du lore où s’ouvrent plus d’hypothèses que de réponses concrètes. Mais bien malgré moi, sa direction artistique m’aura toujours laissé de marbre. Et quand bien même je possède le premier et le troisième volet de la saga, mes maigres heures de jeu démontrent bien que quelque chose n’aura pas fonctionné entre nous. Comme une histoire d’amour que l’on pressent mais qui n’ose poindre, un acte manqué qui hante mon vécu de joueur en attente du Souls-like qui saura m’émerveiller. Et il se pourrait bien que ce dernier soit en passe d’arriver prochainement.


No Rest For The Wicked, c’est avant tout une joie pour la rétine. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement, puisque l’équipe de Moon Studios s’est rendue célèbre pour son travail sur les magnifiques Ori and the Blind Forest et Ori and the Will of Whisps. Deux jeux qui, en plus d’offrir un level-design ciselé qui aura reposé les codes modernes du metroidvania, sont d’une beauté enchanteresse. Cela grâce à un savoir-faire respectable au niveau du chara-design, du world-design et à une gestion astucieuse de la lumière. Les mondes d’Ori sont des plongées dans l’onirisme de forêts magiques dans lesquelles virevoltent les fées et se cachent les lutins. Un lyrisme proche de la light-fantasy qui au premier abord paraît bien loin des ténèbres torturées habituelles des Souls-like. Alors, Moon Studios réussit-il sa transition dans les ombres ?

OST d’ambiance du jeu – A écouter en lisant l’aperçu.

Allez, viens dans mon Caravage…

Cela n’aura échappé à personne, le jeu est artistiquement impeccable et véritablement fidèle à ce qui fut dévoilé au public durant sa communication. C’est sans doute l’aspect qui accroche immédiatement au lancement du titre et cela n’a rien d’un hasard. Les développeurs de No Rest For The Wicked ont soigneusement recherché cet effet de saisissement, semblable au syndrome de Florence, qui procure un léger vertige artistique aux joueurs. Lorsque le studio pense et conçoit sa direction artistique, cette idée est prégnante, et l’envie de créer un jeu au style intemporel est très forte. Les artistes en charge du projet cherchent à marquer durablement, à offrir une durée de vie et de rejouabilité inscrite dans le temps long, quitte à faire fi des conventions actuelles en terme de graphismes.

 » Le regard se perd jusqu’à l’horizon, captivé par un jeu de contrastes, de chatoiements embrumés et de reliefs adoucis qui confèrent son caractère unique à No Rest For The Wicked.« 

L’équipe explore les éléments visuels mémorables dans le domaine du jeu vidéo et se tourne assez naturellement vers les techniques de cel shading. Cette approche artistique fait la part belle aux aplats de couleurs et à l’épure par son usage modéré des teintes et des ombres. Un procédé qui se retrouve dans des œuvres emblématiques, telles que Zelda : Windwaker, XIII ou Okami, qui ont su traverser le temps sans dénaturer de leur charme originel. Bien que des versions HD soient développées pour ces titres, il est tout à fait possible de les lancer vingt ans après sans souffrir de la comparaison avec nos souvenirs. Une forme d’immortalité visuelle qui séduit le studio et les porte à faire ce choix.

Mais la vraie différence viendra de la lumière. Inspirés graphiquement par les peintures du Caravage, peintre florentin du 18ème siècle apprécié pour sa maîtrise du clair-obscur, les world-designers modèlent l’éclairage des scènes pour donner au joueur l’impression de progresser continuellement dans un tableau baroque. Le regard se perd jusqu’à l’horizon, captivé par un jeu de contrastes, de chatoiements embrumés et de reliefs adoucis qui confèrent son caractère unique à No Rest For The Wicked. Une démarche qui marque un premier pas réussi dans l’interprétation de la Dark-Fantasy propre au studio, tant ces environnements soulignent avec justesse le thème développé par le titre.

Fiole d’Astuce

Mais No Rest For The Wicked n’est pas qu’une esthétique creuse, bien au contraire. Dès les premières minutes de jeu, vous aurez, sans l’ombre d’un doute, mille raisons valables pour vous perdre dans l’immensité de ses décors. Pensée avec tout autant de générosité, la conception des niveaux et de leurs différentes strates est la promesse d’une exploration passionnante, où tout vous attire et tout vous donne envie de sortir du chemin que vous vous étiez promis de suivre. Votre personnage ne possède pas la capacité de sauter, certes, mais il peut enjamber à peu près n’importe quel obstacle. Utilisée avec méthode, cette faculté vous permet d’arpenter l’entièreté de ce que vous voyez à l’écran, du plancher des vaches jusqu’aux plus hautes cimes.

Encouragé par les développeurs à vous perdre dans leur création, la curiosité sera toujours récompensée par le jeu. Ici, par un coffre, là par un objet légendaire à récupérer au plus haut d’une tour qui semblait inaccessible. L’exploration se veut agréable au cœur d’un univers semé d’embûches. Vous trouverez donc des murmures de Cérimes – semblables aux feux de Dark Souls – qui vous serviront de checkpoint de manière régulière durant votre aventure. De même, chaque zone explorée est elle-même redécoupée en plusieurs sous-zones. L’achèvement ou le cours de la découverte est ponctué d’échelles à mettre en place pour revenir au niveau atteint en cas de déboire.

Une gestion de l’environnement fort bien ponctuée qui offre une respiration, un filin de sécurité au joueur, et l’incite à l’aventure. Raison de plus pour se lancer sans aucune crainte, contrairement à son modèle, No Rest For The Wicked ne met pas en place de système d’âmes. Vous ne serez donc pas susceptible de perdre le fruit de vos efforts en cas de mort et d’impossibilité à rallier la zone dans laquelle vous avez échoué. Selon votre build, certains objets pourraient vous faire perdre des points d’expérience ou de l’argent à chacune de vos morts, mais la plupart du temps, la mort sera sans conséquence importante. Seule l’usure de votre équipement sera à déplorer, réparable auprès de l’armurier contre une simple poignée de pièces de cuivre.

Cérime avec Souls-light ?

A ce stade, les puristes du genre pourraient déplorer l’absence de péril, la casualisation du genre au profit d’un public en recherche de gloire facilement acquise. Bien que cela soit une abstraction grossière de la réalité, il n’est pas simple de tordre complètement le cou à cette idée. Parce que oui, en l’état actuel du développement, No Rest For The Wicked est plus accessible que Dark Souls. Et alors ? Faut-il nécessairement en tirer une conclusion ? Est-ce en définitive une mauvaise chose d’ouvrir les portes d’un genre à un nouveau public, quitte à décevoir des joueurs habitués à la grande difficulté, parfois rebutante, qu’il porte en lui ?

Pas nécessairement. J’ai au contraire acquis l’intime conviction que transcender les normes établies pour se vouloir plus inclusif est essentiel. Rendre un jeu, un genre ou un univers hermétique au point qu’il ne soit compréhensible qu’aux seuls initiés m’apparaît être une erreur. Capcom aura mis du temps à appréhender cette donnée, mais a finalement permis à Monster Hunter : World de donner un souffle nouveau à une saga qui souffrait de son entre-soi. Les nouveaux venus auront eu le plaisir de jouer à un opus plus accessible qui se voulait une porte d’entrée agréable. Libre à eux de prolonger leur aventure avec les anciens titres pour compléter leur périple de joueur. Peut-être alors No Rest For The Wicked saura-t-il me donner envie de me lancer dans la saga des Souls ?

Mais attention, n’allez pas penser que cette simplification du gameplay original rend le jeu simpliste ! Sinon, vous risquez de sérieusement déchanter ! Dès votre arrivée sur la plage, après le naufrage de votre bateau, vous comprenez que vous venez d’échouer sur une île qui ne veut vraiment pas de vous. Tout semble vouloir votre peau, à commencer par les crabes, puis par les brigands qui ont établi leur campement non loin de votre point de départ. En haillons durant les premiers temps de votre aventure, deux ou trois coups d’épée suffisent à vous décimer. D’autant plus que votre héro-ïne se déplace avec une certaine lourdeur, esquive en roulant de base comme un semi-remorque et que jouer une arme lourde demande une certaine maîtrise pour gérer l’inertie qui en découle.

On peste pour le week-end.

Alors bien entendu, contre un trash-mob isolé, cela peut encore bien se passer. Mais dès lors qu’ils commencent à venir par petits groupes de deux ou trois, les choses se compliquent sérieusement. Surtout lorsque ces trois mobs adoptent un comportement différent : attaque délayée, attaque rapide, allonge plus ou moins longue, projectile enflammé ou empoisonné, attaques lourdes, tournoyantes, plongeantes… Tout un éventail de morts possibles s’ouvre à vous. Et croyez moi, vous allez mourir un sacré paquet de fois le temps de trouver quelques pièces de stuff acceptables qui simplifieront votre progression. Heureusement, une fois vos ennemis éliminés, l’activation d’un murmure de Cérime – feu de camp – ne les ramènera pas à la vie. Après avoir réfléchi à la question et observé la réapparition des mobs, j’en ai déduit qu’elle était visiblement liée au passage d’une journée in-game. Dans tous les cas, cette mécanique est la bienvenue, car elle vous offre une progression simplifiée sur le principe de l’essai-erreur qui vous permet de mieux comprendre le bestiaire que vous affrontez.

Une fois vos marques prises, les évènements liés au scénario vous mèneront naturellement à rencontrer des boss bien plus retors que ces banales vagues d’ennemis. C’est à cet instant que vous aurez la confirmation, ou l’infirmation, que votre build patiemment construit au fur et à mesure des gains de niveaux d’expérience est bien efficace. Si la voie de l’endurance-force-charge d’armure avec épée à deux mains a fait ses preuves durant ma partie, il n’en sera peut-être pas de même avec votre build intelligence-santé-foi avec double dagues. Sans grande surprise, bien que moins impressionnants visuellement que les combats de boss d’Elden Ring, et sans doute bien moins demandeurs techniquement, les affrontements contre ces grosses machines à tuer restent une véritable épreuve pour qui n’est pas aguerri et surentraîné sur l’ensemble des Souls-like du marché. Sachez que cet accès anticipé est riche de cinq boss que je vous laisserai le plaisir de découvrir en vous acharnant dessus comme un beau diable. Un conseil, prévoyez un max de potions et de consommables de soin.

Si j’avais un marteau…

Et oui, car j’ai gardé le meilleur pour la fin : j’ai nommé l’artisanat. Au delà de ses emprunts à Dark Souls, la titre de Moon Studios pioche aussi allégrement dans les systèmes développés pour Diablo. Si vous avez vous aussi roulé votre bosse dans les donjons procéduraux de Diablo III, vous aurez le souvenir de la ville qui vous servait de point de chute. Une ville dans laquelle fleurissaientt un bon nombre de magasins d’artisanat bien utiles pour améliorer votre équipement et briller par la puissance de votre loot. Ces échoppes pouvaient être améliorées contre certains objets et/ou contre monnaie sonnante et trébuchante, ce qui vous donnait accès à de nouvelles interactions et possibilités. Sachez que No Rest For The Wicked reprend cette idée et l’applique à la logique de son gameplay. Vous aurez donc tout loisir d’aller récolter des ressources dans les environs – bois, minerais, pierres précieuses – pour restaurer la ville locale de Sacrament et étoffer vos facultés.

Ce principe fort et essentiel à la bonne tenue de votre aventure vous permettra par exemple d’employer les services d’un forgeron pour réparer et améliorer vos équipements, d’un cuisinier pour obtenir des objets de soin – qui sont aussi craftables auprès de n’importe quel feu – ou encore d’un alchimiste pour vous munir de potions aux divers effets. Notons que si Dark Souls facilitait la progression en vous équipant de plusieurs fioles d’Estus rechargeables, No Rest For The Wicked ne le fait pas. Un durcissement des règles qui a lieu pour une fois dans l’autre sens, et qui change bien des choses quant à l’apparente simplicité évoquée plus haut. En effet, sans aucun objet de soin de base, il sera indispensable de vous mettre à la récolte des ressources afin de pouvoir affronter les dangers plus sereinement. Un changement qui permet au passage de varier vos potions de soins en leur ajoutant un effet supplémentaire, comme un renforcement temporaire de l’endurance ou de la force.

Comment finir cet aperçu sans évoquer l’échoppe de l’enchanteresse, ce PNJ incontournable qui constituera, une fois votre build bien établi, la clé de voûte de votre équipement à plus haut niveau. Dans cette échoppe, que vous finirez par fréquenter de manière régulière, l’opportunité vous sera offerte d’ajouter des runes et des enchantements à votre équipement contre quelques pièces d’argent. Une bonne affaire qui se révèle finalement une véritable quête de puissance à elle seule en raison d’un élément déterminant : la chance. Car enchanter une pièce d’équipement dans No Rest For The Wicked, c’est lui donner jusqu’à trois lignes d’enchantements positifs, mais aussi lui ajouter un enchantement négatif obligatoire. Le tout étant bien évidement complètement aléatoire ! Imaginez : vous arrivez tout guilleret devant le magasin d’enchantements pour améliorer votre claymore niveau 4. Une arme superbe mais que aimeriez encore plus si elle vous régénérait de la vie à chaque coup. Seulement pas de bol, son effet négatif vous fait perdre de l’expérience à chaque mort, la rendant totalement bonne pour la casse. Aucun retour en arrière possible, Souls-like oblige …


Sublimé par sa direction artistique digne des plus beaux tableaux du Caravage, No Rest For The Wicked se révèle aussi plein d’inventivité dans ses mécaniques de jeu. L’accès anticipé qu’il vous propose est très généreux en contenu, puisqu’au-delà des cinq boss que vous pouvez d’ores et déjà y affronter, le peaufinage de votre équipement et le perfectionnement de son enchantement constituent une quête de puissance passionnante à elle seule. Accessible à tous, même aux complets néophytes des Souls, No Rest For The Wicked pourrait bien devenir un jeu important qui ouvrira le genre à un tout nouveau public. A suivre de très près et à jouer sans modération.


Sources :
IGN – How No Rest For The Wicked’s Gorgeous Art Direction Was Found (Genèse artistique du jeu)
NoRestForTheWicked – Early Access Roadmap (Progression dans le développement futur du jeu)

Furvent
Furventhttps://maitregeek.fr
Rédacteur et traducteur. Amoureux de RPG depuis toujours. Amateur de belles histoires. Chasseur de succès en quête du sacro-saint gold.

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L'archiviste

Merci pour ce retour d’expérience qui donne bien envie. Je vais finir par me laisser tenter, même si le temps manque.

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